Accueil E SPQS – Sécurité des patients et qualité des soins E Qu’est-ce qui est important pour vous? (IPV)

Campagne « Qu’est-ce qui est important pour vous ? »

L’objectif de la campagne internationale est de créer un partenariat avec le patient, une relation de confiance et d’empathie.

Qu’est ce qui est important pour vous ?

L’objectif de la campagne est de créer un partenariat avec le patient, une relation de confiance et d’empathie. Ce partenariat, à son tour, vise à davantage prendre en compte les valeurs du patient, ses espoirs, ses préférences, ce qui est important pour lui, afin de co-construire avec lui son projet de soins ou d’accompagnement. Ceci semble en effet souvent déboucher sur une meilleure adhésion thérapeutique, une amélioration de la qualité des soins et une meilleure satisfaction du patient. Un objectif corolaire est de fournir aux professionnels de santé une occasion pour engager cette conversation avec le patient au quotidien.

Logo IPV

En collaboration avec la PAQS (Belgique).

Contact

Anthony Staines

Anthony Staines, Ph. D.

Chargé du programme «Sécurité des patients et qualité des soins» FHV

#WMTY
#CIPV
#IPVFHV

Site web de l'Etat de Vaud

www.importantpourvous.ch

1er forum « Qu’est-ce qui est important pour vous ? »

8 octobre 2024

Webinaire «Qu’est-ce qui est important pour vous?» – concept, déploiement et retour d’expérience

25 mars 2025

Webinaire «Qu’est-ce qui est important pour vous?» – d’une campagne à une pratique au quotidien

20 février 2024

Campaign Presentation "What matters to you?" – Webinar Action Week 2023 Patient Safety Switzerland

6 septembre 2023

Webinaire «Qu’est-ce qui est important pour vous?» – un concept pour construire le partenariat avec le patient

9 juin 2022

Qu’est ce qui est important pour vous ?

L’objectif de la campagne est de créer un partenariat avec le patient, une relation de confiance et d’empathie. Ce partenariat, à son tour, vise à davantage prendre en compte les valeurs du patient, ses espoirs, ses préférences, ce qui est important pour lui, afin de co-construire avec lui son projet de soins ou d’accompagnement. Ceci semble en effet souvent déboucher sur une meilleure adhésion thérapeutique, une amélioration de la qualité des soins et une meilleure satisfaction du patient. Un objectif corolaire est de fournir aux professionnels de santé une occasion pour engager cette conversation avec le patient au quotidien.

En collaboration avec la PAQS (Belgique).

Comment participer ?

L’objectif est que chaque professionnel utilise cette approche, consistant à demander « Qu’est-ce qui est important pour vous ? » à un ou plusieurs patients et qu’il fasse un retour au répondant de son établissement ainsi qu’à son équipe. Progressivement, cette question, avec la réflexion qui s’en suit, s’intègre dans la routine des soins.

Le 3 juin 2025 (Journée mondiale « Qu’est-ce qui est important pour vous ? », ainsi que durant les 365 jours qui suivent, invitez les patients à exprimer ce qui est important pour eux. Ecoutez ce qu’ils vous disent, prenez ces éléments en compte en co-construisant la suite des soins avec ces patients.
Parlez de cette campagne à vos collègues, à vos cadres, à vos partenaires, afin de promouvoir le partenariat avec le patient, le résident, le bénéficiaire ou le citoyen.
Le 3 juin 2025, ainsi que les jours précédents et suivants, partagez ce concept sur les réseaux sociaux, sur votre site internet ou intranet, sur votre blog.

Lauréats du concours

Campagne 2019

L’entretien avec le patient

L’entretien avec le patient a pour but de créer une relation de confiance, permettant au patient d’exprimer ce qui compte vraiment pour lui, afin que la compréhension de ces éléments puisse être prise en considération dans les soins prodigués.

Demander ce qui est important

La question « Qu’est-ce qui compte pour vous ? » peut être posée sous plusieurs formes.

L’important n’est pas d’utiliser la phrase exacte, mais de créer une relation, de comprendre la personne dans le contexte de sa propre vie et des choses qui sont les plus importantes pour elle. Cette compréhension vous mettra en meilleure posture pour un partenariat vous permettant ensemble de trouver le meilleur chemin à suivre pour avancer.

Ecouter ce qui est important

Voici des exemples de réponses reçues :

Il convient de pratiquer l’écoute active, en montrant de l’intérêt, en posant des questions. Après que le patient se soit exprimé, il est recommandé de reformuler ce qui semble être l’essentiel et d’interpeller le patient en lui demandant si c’est bien correct, en laissant au patient le temps de répondre et en corrigeant sa synthèse si nécessaire.

  • « Je préfère recevoir mes médicaments pour mon Alzheimer à l’heure où je les prends à la maison, plutôt que lors des tournées infirmières ».
  • « C’est vraiment important pour moi que ma petite fille soit impliquée dans les discussion relatives à mon soutien. C’est la personne principale dans ma vie. »
  • « Pouvoir me rendre à l’extérieur est important pour moi. Lorsque je passe une mauvaise journée, sortir à prendre l’air m’aide à trouver un espace pour me ressourcer. »

Source: https://www.whatmatterstoyou.scot/why-ask/

Agir

Dans bien des cas, ce type de conversation apportera au professionnel des éléments pour mieux réaliser sa mission, tout en offrant une meilleure prise en compte des besoins du patient – c’est souvent une relation gagnant-gagnant.

Il convient de donner suite autant que possible en prenant en compte les éléments apportés par le patient pour concevoir la suite du traitement ou des soins. Dans les cas où le professionnel de santé ne voit pas comment donner suite, il est encouragé à en parler à son équipe et au cadre de proximité.

Le professionnel est invité à laisser une trace de son échange, par exemple sur un tableau blanc prévu à cet effet dans la chambre du patient, dans le dossier du patient, dans le document de sortie ou lors d’un briefing d’équipe.

Le contexte historique

La question «What matters to you?» se trouve dans un article de Barry et Edgman-Levitan paru en 2012, cité par Maureen Bisognano, alors directrice générale de l’Institute for Healthcare Improvement, dans un congrès organisé en 2014 à Paris par ce même institut. Jouant sur les mots, en anglais, elle a proposé de changer la formule souvent utilisée pour interpeller un patient «what’s the matter with you?» (qu’est-ce qui vous arrive? quel est votre problème?) pour utiliser plutôt «what matters to you?» (qu’est-ce qui est important pour vous?). Son objectif était de sensibiliser ses interlocuteurs à l’importance de considérer le patient comme une personne globale, avec ses valeurs, ses attentes, ses souhaits, ses besoins … et de s’intéresser à ce patient au-delà de ses symptômes ou de sa pathologie.
Message de Maureen Bisognano adressé à la Suisse depuis le forum international de Glasgow
Plusieurs participants au congrès ont repris cette idée et l’ont diffusée dans leur environnement professionnel. La Norvège a été le premier pays à diffuser largement le concept. Le succès a été tel qu’il a été décidé de lancer une campagne de promotion de ce concept, en retenant une journée annuelle «What matters to you?». La date du 6 juin (ou le jour le plus proche si le 6 juin n’est pas un jour ouvré) a été retenue. L’Ecosse et le Canada ont suivi dans une diffusion dynamique. Le site Internet de la campagne écossaise (www.whatmatterstoyou.scot) et celui de la campagne canadienne (https://bcpsqc.ca/advance-the-patient-voice/what-matters-to-you) ont servi d’inspiration au présent texte.

Désormais, une cinquantaine de pays participent à la campagne.

L’adaptation du concept en français est le fruit d’une collaboration entre la PAQS (Belgique) et la Fédération des hôpitaux vaudois.

Témoignages et Revue de presse

Une question puissante pour déverrouiller le partenariat dans les soins - Auteurs : A. Staines, L. Laroussi-Libeault, V. Coelho, M.P. Pomey - INTQHC 23 janvier 2025

« Qu’est-ce qui est important pour vous ? » : une question puissante pour déverrouiller le partenariat dans les soins

Auteurs: Anthony Staines, Chargé de programme «sécurité des patients et qualité des soins» et Veronica Coelho, Cheffe de projet Fédération des Hôpitaux Vaudois; L. Laroussi-Libeault; M.P. Pomey.
International Journal for Quality in Health Care, 2025, 37(1), mzaf007
DOI: https://doi.org/10.1093/intqhc/mzaf007
Advance Access Publication Date: 23 January 2025
Télécharger l’article en français au format PDF ici
Ceci est la version en français de l’article suivant :Staines, A., Laroussi-Libeault, L., Coelho, V., & Pomey, M. P. (2025).  » What matters to you? »: A powerful question to unlocking partnership in care. International journal for quality in health care, 37(1), mzaf007.
Lire l’article en anglais sur le site International Journal for Quality in Health Care ici

La quête du partenariat en santé gagne du terrain, du fait que les professionnels et les organisations reconnaissent de plus en plus que l’implication des patients dans leurs soins et dans l’amélioration des services améliore les résultats en matière de santé [1]. Les patients qui comprennent leur état de santé et leurs options thérapeutiques sont plus susceptibles de co-construire, puis d’adhérer à leur plan de soins, et lorsqu’ils se sentent écoutés, leur expérience globale des soins s’en trouve améliorée.

La patiente coauteure de cet article explique que si elle avait pu exprimer ses priorités lorsque le diagnostic de cancer de la sphère oto-rhino-laryngologique lui a été communiqué pour la première fois, elle aurait insisté sur l’importance de préserver son sourire, qui fait partie intégrante de son identité depuis son enfance. N’ayant pas eu la possibilité d’exprimer cette préoccupation, elle s’est sentie non seulement déstabilisée dans l’image qu’elle avait d’elle-même, mais aussi considérée comme objet, plutôt que comme sujet de soin. Elle aurait préféré s’engager dans un véritable partenariat avec ses professionnels de santé.

L’intérêt croissant que suscite actuellement le partenariat en santé soulève une question essentielle : comment initier et produire ce partenariat ? L’expérience de la patiente coauteure est qu’il s’agit d’être écouté, impliqué, respecté, mis en confiance, responsabilisé et reconnu comme personne à part entière, détentrice de savoirs et d’expertise en lien avec sa propre santé et son propre parcours de soins.

Le partenariat dans les soins

Le partenariat dans les soins décrit une relation de collaboration entre d’une part les patients et leurs proches aidants, qui souhaitent participer en tant que partenaires, et d’autre part les professionnels de la santé. Dans ce modèle, les patients participent activement à la prise de décision concernant leur traitement et leur parcours de soins [2]. Cette approche considère les patients comme des membres à part entière de l’équipe soignante, où leurs savoirs expérientiels viennent compléter les savoirs cliniques des professionnels de la santé, permettant ainsi aux patients de faire des choix éclairés concernant leurs soins. [1-4]. Ce partenariat repose sur des principes tels qu’une confiance réciproque, une communication ouverte et sincère, le respect des valeurs et des préférences des patients, une reconnaissance de l’expertise de la personne et une prise en compte consciencieuse du contexte unique de chaque individu, comprenant ses projets de vie.

Le concept “Qu’est-ce qui est important pour vous? »

La question « Qu’est-ce qui est important pour vous ? » a été introduite pour la première fois dans un article de Barry et Edgman-Levitan [5], plaidant pour des soins centrés sur le patient. Ils soulignent que, pour parvenir à cette approche, les patients et leurs familles sont considérés comme des alliés dans la conception, la mise en oeuvre et l’évaluation des systèmes de santé. Les auteurs recommandent une prise de décision partagée dans laquelle les patients expriment leurs valeurs et leurs préférences, tandis que les professionnels de la santé présentent les options de traitement ainsi que les risques et les avantages y afférents. Ce processus de collaboration invite les professionnels à abandonner le modèle paternaliste pour devenir des accompagnateurs et des partenaires qui valorisent le recours à la question « Qu’est-ce qui est important pour vous ? » plutôt que simplement « Quel est votre problème ? ».

Le concept s’est imposé à l’échelle internationale après que Maureen Bisognano, présidente de l’Institute for Healthcare Improvement, l’ait diffusé lors de ses conférences. Initialement mis en oeuvre en Norvège, en Écosse et au Canada, il s’est rapidement transformé en un mouvement mondial. [6] (détails sur https://wmty.world/).

L’objectif des discussions autour de la question « qu’est-ce qui est important pour vous » est de prendre en compte le point de vue du patient sur la santé, de comprendre ses priorités, ses circonstances de vie et les déterminants sociaux qui influencent son bien-être [6]. Cette approche permet aux patients d’exprimer leurs besoins [7, 8], leurs valeurs et leurs préférences en tant que personnes à part entière, sans les limiter à un «ensemble de maladies » [9]. Elle reconnaît l’expertise des patients et ambitionne de leur permettre de prendre des décisions pour eux-mêmes, informés et accompagnés par les professionnels. En cela, elle n’est pas seulement « centrée sur le patient » : elle manifeste un véritable partenariat de soins.

Lorsque la maladie place les patients dans un état de vulnérabilité, pouvant conduire au défaitisme ou à la dépersonnalisation, l’accent mis sur « ce qui est important pour eux » leur permet de retrouver leur autonomie en les aidant à formuler leurs priorités. En favorisant la confiance, l’empathie et les relations significatives, ces conversations visent à comprendre les patients dans le contexte global de leur vie, en traduisant les objectifs personnels en objectifs de soins pertinents [10]. En outre, établir des liens plus forts entre les patients et les professionnels de santé renforce le sentiment d’utilité des professionnels de la santé, ce qui peut contribuer à réduire le burnout. [11].

Une question qui dévérouille le partenariat

La question « Qu’est-ce qui est important pour vous ? » invite à un échange qui permet de découvrir le contexte unique d’une personne, ses objectifs de vie, ses préférences, ses valeurs et de révéler ses connaissances et compétences. En posant aux patients cette question ouverte, ceux-ci ont la possibilité d’exprimer les éléments essentiels qui devraient orienter leurs soins. Elle permet également d’identifier les patients qui souhaitent s’engager en tant que partenaires dans leur parcours de soins. Cette question permet aux professionnels de santé d’amorcer une conversation autour des priorités des patients, de leurs expériences et des arbitrages potentiels auxquels ils peuvent être confrontés en fonction de ce qui compte le plus pour eux. La question est à poser régulièrement tout au long du parcours de soins.
Ce dialogue favorise le lien de confiance et renforce la relation entre le patient et le professionnel de santé, éléments essentiels pour mener à l’autonomie et à la capacité d’autogestion, à sa participation active et au suivi de ses traitements. En outre, il permet de considérer le patient comme une personne et non simplement comme un objet de soins ou une pathologie. En partageant ce qui est vraiment important, les patients fournissent des informations essentielles à une décision éclairée prise par le patient, pierre angulaire d’un partenariat efficace.

Une approche simple et puissante

Si l’on avait demandé à la patiente coauteur de cet article « Qu’est-ce qui est important pour vous ? », cette question brève mais fondamentale aurait permis de révéler son désir de développer une relation de partenariat avec ses professionnels, son inquiétude quant aux interventions susceptibles d’affecter son sourire, de chercher des solutions avec son équipe soignante pour ne pas l’affecter et de lui fournir des informations répondant à ses besoins et dans une temporalité adéquate . Un tel dialogue lui aurait permis de prendre des décisions éclairées sur son traitement. L’utilisation systématique de cette question dans les soins de santé peut ouvrir la voie à un partenariat dans les soins, contribuer à l’amélioration des résultats cliniques et améliorer profondément l’expérience des patients. Nous pensons donc qu’une approche clé pour établir un partenariat entre les professionnels et les patients commence par la question : « Qu’est-ce qui est important pour vous ? ».

REFERENCES :

[1] Pomey M-P, Denis J-L, Dumez V. Patient engagement: How patient-provider partnerships transform Healthcare organizations: Springer Nature, 2019.
[2] Pomey M-P, Flora L, Karazivan P, Dumez V, Lebel P, Vanier M-C, et al. Le «Montreal model»: enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de la santé. Santé publique. 2015; 1(HS): 41-50.
[3] Karazivan P, Dumez V, Flora L, Pomey M-P, Del Grande C, Ghadiri DP, et al. The patient-as-partner approach in health care: a conceptual framework for a necessary transition. Academic Medicine. 2015; 90(4): 437-41.
[4] Dumez V, L’Espérance A. Beyond experiential knowledge: a classification of patient knowledge. Social Theory & Health. 2024; 22(3): 173-86.
[5] Barry MJ, Edgman-Levitan S. Shared decision making—the pinnacle of patient-centered care. New England Journal of Medicine. 2012; 366(9): 780-1.
[6] Staines A, Coelho V, Gutnick DN, Mattelet A, Louiset M. «Qu’est-ce qui est important pour vous?» Amorcer le partenariat avec le patient et ses proches. RISQUES & QUALITÉ. 2020; 17(3).
[7] Kebede S. Ask patients “What matters to you?” rather than “What’s the matter?”. BMJ. 2016; 354.
[8] Pelton L, Fulmer T, Hendrich A, Mate K. Creating age-friendly health systems. Healthc Exec. 2017; 32(6): 62-3.
[9] Silsand L, Severinsen GH, Berntsen GR, Steinsbekk A. How to Represent the Patient Voice in the Electronic Health Record? In Caring is Sharing–Exploiting the Value in Data for Health and Innovation. IOS Press, 2023: 187-91.
[10] Berntsen G, Høyem A, Lettrem I, Ruland C, Rumpsfeld M, Gammon D. A person-centered integrated care quality framework, based on a qualitative study of patients’ evaluation of care in light of chronic care ideals. BMC health services research. 2018; 18: 1-15.
[11] Rathert C, Mittler JN, Vogus TJ, Lee YS. What matters to you? An observational field study of patient and care provider expectations for health care relationships. Plos one. 2024; 19(7): e0304854.

Anthony Staines 1, Lisa Laroussi-Libeault 2, Veronica Coelho 3, Marie-Pascale Pomey 4
Affiliations des auteurs:
1. Fédération des hôpitaux vaudois, Prilly, Suisse ; IFROSS, Université Lyon 3, France
2. Fédération des hôpitaux vaudois, Prilly, Suisse ; Laboratoire PHASE de psychologie de la santé et du vieillissement, Université de Lausanne, Lausanne, Suisse
3. Fédération des hôpitaux vaudois, Prilly, Suisse
4. Département de gestion, évaluation et politique de santé, École de santé publique, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada; Centre de recherche du centre hospitalier universitaire de Montréal, Montréal, Québec, Canada

La question qui révolutionne les pratiques - Auteurs: V.Coelho et A.Staines - Eclairage, publication de HévivA 28.02.2024

« Qu’est-ce qui est important pour vous ? »
La question qui révolutionne les pratiques

Auteurs: Veronica Coelho, Cheffe de projet, et Anthony Staines, Chargé de programme «sécurité des patients et qualité des soins» Fédération des Hôpitaux Vaudois
https://heviva.ch/actualites/2024_eclairage/

Télécharger l’article au format PDF

1ère page de l'article

 

2e page de l'article

Mais que veut au juste cette patiente? - Auteur: Gilles Labarthe - Bulletin des médecins suisses 18.01.2023

Mais que veut au juste cette patiente?

Auteur: Gilles Labarthe
DOI: https://doi.org/10.4414/bms.2023.21320

Être à l’écoute La Fédération des hôpitaux vaudois applique la campagne internationale «Qu’est-ce qui est important pour vous?» depuis 2019. Au cœur de cette démarche: l’échange constructif et respectueux entre professionnels de la santé, patients et proches. Le premier bilan est encourageant, mais il reste encore des défis importants à relever.

Rester à l’écoute des patients aide à améliorer les prestations de santé: voilà qui semble relever du bon sens. Pourtant, les pratiques de médecine moderne ont eu tendance depuis le XIXe siècle à instaurer une relation asymétrique. D’un côté, l’autorité attribuée aux professionnels de la santé; de l’autre, la passivité supposée et le manque de connaissances scientifiques des patients. Que ce soit lors de consultations, de prescriptions et de traitements médicaux, cette asymétrie est à ce point entrée dans les usages qu’on la questionne rarement.

Or depuis 2014, une campagne internationale souhaite apporter davantage d’harmonie dans ces relations, visant un effet «win-win». À la base, une idée simple: en plus de la question traditionnelle posée en première consultation, «What’s the matter?» («Quel est le problème?»), en amener une autre, «What matters to you?» («Qu’est-ce qui est important pour vous?»). Et favoriser ainsi des conversations constructives et bienveillantes entre les professionnels de la santé, les patients et les proches. Dans son programme pour la qualité des soins, la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV) représente la première institution en Suisse à avoir rejoint cette campagne internationale en 2019.

À l’origine, un article du NEJM

Comme le rappelle le Dr Anthony Staines, chargé de programme «Sécurité des patients et qualité des soins», la démarche en elle-même n’est pas totalement nouvelle: plusieurs programmes ont été lancés à la FHV dès 2011-2012, d’abord afin de réduire les effets indésirables médicamenteux, puis les escarres. «Nous avons observé que si le patient s’intéresse à son traitement et pose des questions, demande des explications, cela aide à réduire les risques d’erreurs», souligne le Professeur. En résumé, l’écoute des patients débouche sur une meilleure adhésion thérapeutique. Il restait à en faire «une démarche généralisable, permanente, une sorte d’outil à donner à tous les professionnels des soins, sans que cela ne leur prenne du temps ni leur ajoute du travail supplémentaire, mais que cela puisse se faire en même temps que les soins. C’est alors que nous sommes tombés sur cette campagne internationale», dont le responsable de la FHV retrace les origines.

Au départ, un article paru en 2012 dans le New England Journal of Medicine sur le «Shared Decision Making». Les auteurs évoquent le pouvoir d’ouverture des quatre mots contenus dans la question «What matters to you» dans le rapport au patient. Un concept très accessible, symbolisé par quatre initiales – WMTY – mais qui se veut néanmoins profond. Comme le relève Anthony Staines: le WMTY «enjoint les professionnels à se départir de leur rôle d’autorité et d’asymétrie dans l’information, pour entrer sur un mode d’accompagnement, de coaching… mais aussi à s’intéresser aux préférences, aux valeurs, aux besoins du patient pour mieux comprendre ses souhaits, ses réalités et ses contraintes et proposer un traitement qui suscite une meilleure adhésion».

La FHV, pionnière en Suisse

Le concept WMTY a été diffusé lors d’un congrès médical en 2014, puis testé d’abord dans des hôpitaux en Norvège, ensuite au Canada, en Écosse, en Belgique. Cinq ans plus tard, le FHV joue un rôle de pionnier en relayant la campagne en Suisse romande, avec des projets pilotes. Anthony Staines cite le réseau de soins et de santé du Balcon du Jura, à Sainte-Croix (VD), qui a utilisé cette campagne de manière très généralisée, dans tous les services. Depuis 2022, il est même prévu que cette question (WMTY) soit posée avant une intervention chirurgicale au bloc opératoire. «Parmi les réponses des patients, certaines sont faciles à gérer, comme: “j’ai peur d’avoir froid” ou “j’ai peur de me réveiller tout seul”. Il suffit souvent d’infirmières anesthésistes en salle de réveil qui peuvent être sensibilisées et faire la différence. Cela offre des pistes.»

Autre exemple mentionné par Anthony Staines, «l’Hôpital Riviera Chablais (HRC) a introduit cette question par exemple en obstétrique, en maternité, pour les parturientes. Les témoignages recueillis évoquent la satisfaction, aussi pour les professionnels: cela donne du sens au métier et la question est assimilée au cours des soins, sans travail supplémentaire.» À l’HRC, Valérie Piazza, infirmière et sage-femme cheffe du Service de gynécologie et obstétrique, confirme ces expériences positives, après une période de mise en œuvre qualifiée de «complexe». L’implémentation de la campagne WMTY réalisée avec le Dr Alexandre Farin, médecin-chef de l’Unité obstétrique, a nécessité des choix. Il a d’abord fallu définir dans laquelle des trois unités la tester: «Le bloc obstétrical, donc les salles d’accouchement, les urgences gynéco-obstétricales-UGO, ou le service stationnaire, soit l’hospitalisation. Pour nous, le plus parlant pour les équipes, là où cela fait le plus de sens, avec le moins de résistances, c’est en accouchement: le personnel médico-soignant est déjà habitué au projet de naissance, qui est un moment très symbolique. Le projet de naissance amène à une sensibilisation, à être attentif à ce qui est important pour les patientes. Voilà pourquoi nous avons débuté par cette unité-là.»

Il reste des défis

La dynamique WMTY a néanmoins bousculé quelques habitudes: «Cela a modifié par exemple le contenu de nos transmissions du matin et du soir, continue Valérie Piazza. Maintenant, la case la plus importante du tableau, outre des données très cliniques, c’est “Qu’est-ce qui est important pour vous?”. Elle fait partie intégrante de nos transmissions orales, devenant même parfois prioritaire.» La sage-femme note d’autres défis. Premièrement, que le personnel comprenne qu’il pouvait y avoir «d’autres priorités que du chiffrage et des risques obstétricaux. Or nous n’avons pas été formatés comme cela.» Et, au-delà d’une première phase de curiosité, il a fallu insister quelques mois auprès du personnel pour que cela devienne régulier, avant qu’il perçoive de lui-même la plus-value et en retire une satisfaction professionnelle. Finalement, il a fallu combattre de «faux arguments»: poser la question WMTY n’est pas chronophage. Au contraire, «la qualité nous fait gagner du temps», insiste Valérie Piazza, qui précise que son service doit composer avec les mêmes contraintes de budget et d’effectifs qu’ailleurs.

Cette démarche paraît toutefois plus difficile à appréhender pour «les médecins et assistants qui sont chez nous de passage, entre 6 et 24 mois: pour ces personnes, l’investissement est différent. Se pose le problème de la reproductibilité lorsqu’elles repartent ailleurs dans leurs cursus de formation. Certaines peinent à appliquer le concept dans les autres établissements.» La question «Qu’est-ce qui est important pour vous?» reste en effet loin d’être posée systématiquement dans tous les hôpitaux publics, même si, cet été, la démarche a été testée à l’Hôpital du Valais.

Possible expansion à d’autres cantons

«Des réflexions sont en cours dans d’autres cantons pour rejoindre cette campagne», note le Professeur Staines. Il n’a par contre pas connaissance de cantons alémaniques travaillant en ce sens, mais reste en contact entre autres avec la présidente de l’Organisation suisse des patients (OSP), Susanne Gedamke, «qui trouve ce concept tout à fait intéressant» et soutient la démarche. En attendant, le WMTY suit son chemin. Valérie Piazza cite des patientes venant d’autres cantons exprès à l’HRC, attirées par cette nouvelle approche – particulièrement bienvenue dans un contexte marqué par le problème de violences gynécologiques et obstétricales dénoncées dans la presse et devant les parlements cantonaux.

En matière de politiques publiques, la conseillère d’État vaudoise en charge du Département de la santé et de l’action sociale Rebecca Ruiz a déjà exprimé son souhait d’étendre la campagne aux maisons de retraite et aux EMS. Il restera encore à lever certaines oppositions de principe, conclut Anthony Staines: «Certains pensent que cela va ouvrir une boîte de Pandore, que le patient va demander des choses qui coûtent cher et qui ne sont pas recevables. Or, c’est très minoritaire. En général, il s’agit de demandes qui tombent sous le sens et d’attentes tout à fait réalistes. Ce qui est souvent demandé, c’est plutôt une désescalade de moyens. Poser la question, cela débouche en général sur une médecine qui coûte moins cher. Mais on ne peut encore le quantifier, cela repose sur un faisceau de témoignages. Il y aurait des sujets d’études magnifiques à mener à ce propos.»

«Ce qui manque le plus? Le temps accordé aux patients»

Bernard Burnand, vous êtes l’un des quinze membres de la Commission fédérale pour la qualité (CFQ). La campagne WMTY n’a atteint la Suisse qu’en 2019: pourquoi?

La Suisse est assez lente en ce qui concerne la qualité des soins, qui est pourtant inscrite dans la LAMal depuis trente ans. Sur la base de différents indicateurs, la Confédération a fondé une Commission fédérale pour la qualité, en fonction depuis le printemps 2021. Mais nous sommes en retard dans beaucoup d’aspects, du fait aussi du fractionnement du système de santé. Nous avons très peu d’indicateurs, de mesures de la qualité des soins et de la sécurité des patients en Suisse. Et nous manquons aussi de «culture qualité» dans ce domaine et de formations postgraduées.

Qu’apporte cette campagne?

Elle apporte une mise en pratique de plus. Dire «on met le patient au centre, on s’intéresse à lui», il y a très longtemps qu’on le fait! Mais il manque l’implémentation de cette approche. En Suisse, nous manquons de professionnels qui y sont sensibilisés et formés. Un indicateur indirect le montre bien: la CFQ a obtenu des financements importants pour différents types de projets. Or, ce que nous avons reçu jusqu’à présent ne répond pas vraiment à ce que nous aurions pu espérer. Sur cette campagne, on pourrait au contraire s’attendre à un programme national pour que cette question soit une préoccupation dans tous les types d’établissements.

À entendre ce qui se passe dans les EMS, on a plutôt l’impression que chaque soin est minuté et que la consigne est de limiter le temps avec les patients…

Absolument. Comme le disait un pédiatre spécialiste américain de la qualité, chaque système de soins est parfaitement ajusté pour obtenir les résultats… qu’il obtient. Si on met toute l’emphase sur le minutage, sur des tarifications à l’acte pour les prestations médicales en ambulatoire, on obtient des actes peut-être inadéquats ou superflus, tandis que ce qui manque le plus est le temps accordé aux patients. Cela explique sans doute le succès des approches de médecine complémentaire. Donc oui, nous avons un problème de configuration de notre système de santé.

Comment la FSP perçoit-elle cette campagne?

De manière positive. La difficulté que nous avons, ce sont nos très faibles moyens. En Suisse, les patients-citoyens restent un partenaire faible qui n’est pas soutenu, ni auto-soutenu. Les projets participatifs ne font que débuter, nous avons beaucoup de retard par rapport aux pays voisins.

Bernard Burnand
Spécialiste en prévention et en santé publique, membre du comité de la section romande de la Fédération suisse des patients (FSP). Professeur honoraire, Faculté de biologie et de médecine, Université de Lausanne.

Télécharger l’article au format PDF

Le patient alpha - Auteure: Annouk Perret Morisoli - Revue Médicale Suisse 18.05.2022

Le patient alpha

Auteure: Annouk Perret Morisoli
DOI: 10.53738/REVMED.2022.18.782.1022a

Dans « le chœur des femmes » de Martin Winkler (1), une jeune interne, major de sa promo, se destine à la chirurgie gynécologique. Elle vise un poste dans le meilleur service de France. Cependant, elle est obligée au préalable à passer 6 mois dans une minuscule unité de médecine de la femme dirigée par un médecin généraliste. Cette brillante jeune femme veut opérer, réparer, reconstruire le corps féminin. Elle persuadée qu’elle possède déjà toutes les connaissances nécessaires pour être une bonne professionnelle, et ne veut pas écouter des bonnes femmes épancher leur cœur et raconter leur vie. Durant ces 6 mois, elle découvre un autre monde, celui de la médecine basée sur l’écoute et l’empathie. Elle apprend qu’on ne soigne pas des maladies, on soigne des gens. Son mentor, qu’elle déteste au début, parle souvent de son patient alpha, ce patient étant celui qui change durablement le soignant en le faisant passer du stade d’apprenti à celui de soignant engagé, lui permettant de rompre avec les dogmes et les habitudes imposées par les rituels de la communauté scientifique.  Reconnaitre la valeur du patient alpha est une manière de dire qu’on ne devient pas soignant tout seul, et que c’est suite à un processus interactif que les patients font des soignants ce qu’ils et elles sont.

La plupart des soignant-e-s ont rencontré un ou des patient-e-s alpha, personnes jamais oubliées, et qui symbolisent une étape cruciale de leur développement professionnel et moral.

Je me souviens d’un patient très âgé ayant été amené au bloc opératoire pour la pose d’un pacemaker. Cette intervention, réalisée sous anesthésie locale, ne demande pas une grande présence anesthésique. Les patients, rendus sourds, aveugles et muets par l’ablation de leurs prothèses auditives, dentaires et oculaires, sont souvent silencieux et leur passage au bloc opératoire est fugace et peu investi par les soignant-e-s.

Ce vieux Monsieur, ce jour-là, ne la voyait pas d’un bon œil. Installé sur la table d’opération, opéré, transféré ensuite vigoureusement dans son lit, il se plaignait haut et fort de ne rien comprendre et de ne pas recevoir d’explications. Cette voix passait inaperçue au milieu du bloc opératoire grouillant comme une fourmilière. De passage dans le couloir, je l’accompagne jusqu’à la porte du bloc pour qu’il remonte en chambre mais il continue à exprimer son mécontentement. Je tente une parole d’apaisement, en vain. Jusqu’à ce jour, j’avais toujours cru mettre les patient-e-s au centre de mes préoccupations en agissant en fonction de ma propre représentation de leurs besoins. Ce jour – là, forte de mes récentes lectures, je décide d’appliquer le quatrième et souvent oublié principe de l’éthique de « care » (2) : recevoir des soins (care receiving) et je demande donc au patient : « Quel est votre besoin, en ce moment » ?

A ma grande stupéfaction, il me répond « eh bien, j’ai besoin de savoir qui vous êtes et d’où vous venez «. Nous avons vite trouvé des origines neuchâteloises en commun et des lieux que nous connaissions les deux, il m’a raconté sa carrière au grand hôtel de Chaumont, une partie de son riche parcours de vie. Pendant quelques minutes, le bloc opératoire s’était effacé et deux êtres humains s’étaient rencontrés.

Ce n’était qu’une parenthèse mais je n’ai jamais oublié ce moment magique et ses yeux qui pétillaient quand il a quitté le bloc opératoire en me remerciant. Et moi je dis merci à vous Monsieur, de m’avoir enseigné en l’espace de quelques minutes qu’il ne faut pas juste imaginer, mais aussi demander précisément aux malades quels sont leurs besoins. Depuis ce jour, j’ai changé mes habitudes pour poser plus fréquemment cette question, et j’ai eu le privilège d’entendre des réponses stupéfiantes et incroyablement enrichissantes.

Et vous, vous rappelez vous de votre patient-e alpha ?

Ref :

(1) Martin Winkler, Le Chœur des femmes, Folio, 2009

(2) J. Tronto, Un monde vulnérable, La Découverte, 2009

Quelques partenaires ont bien voulu partager leur retour d’expérience et vous pourrez les découvrir à travers ces vidéos et podcasts.
Podcast du GHOLEcouter le podcast du GHOL consacré au bilan de la campagne 2023, réalisé avec le personnel soignant impliqué dans les services de médecine, de radiologie et du pôle privé.
Anthony Staines, Chargé de programme Sécurité des patients et qualité des soins, FHV
Anders Vege, Head of Unit for Quality Improvement, Norwegian Institute of Public Health, Oslo
Stéphane Coendoz, Patient partenaire, HRC Hôpital Riviera Chablais

Un mouvement mondial

A travers le monde, différentes actions sont mises en place pour poser cette question importante (en anglais) : What matters to you ?. Une communauté internationale, dont la FHV fait partie, se réunit régulièrement autour de ce concept. Un site Internet a été créé pour promouvoir le mouvement et mettre en avant les différentes initiatives : wmty.world.

Contact

Anthony Staines, Ph. D.

Chargé du programme «Sécurité des patients et qualité des soins» FHV

#WMTY

#CIPV

#IPVFHV

Site web de l'Etat de Vaud

www.importantpourvous.ch

Webinaire «Qu’est-ce qui est important pour vous?» – concept, déploiement et retour d’expérience

25 mars 2025

Webinaire «Qu’est-ce qui est important pour vous?» – d’une campagne à une pratique au quotidien

20 février 2024

Campaign Presentation "What matters to you?" – Webinar Action Week 2023 Patient Safety Switzerland

6 septembre 2023

Webinaire «Qu’est-ce qui est important pour vous?» – un concept pour construire le partenariat avec le patient

9 juin 2022